Paris 1995 – L’hors noir

Exposition : L’hors noir, Galerie l’ancien et le nouveau, Paris, Juin 1995

« L’on connait la réputation du noir : couleur non couleur à l’instar de son alter ego néanmoins ennemie dans l’histoire des croyances, j’ai nommé le blanc. Couleur fantasmagorique du singe-symbole-champ lexical et tutti quanti de la nuit, de la mort, du deuil, du mal, et caetara, de ce fait rarement regardée comme telle.

Mais peut-on voir une couleur dans sa nudité de couleur? Les noirs de Soulages et du Caravage, ceux de Hals et de Velasquez sont tout à la fois ombre et lumières, contours et matières pures, signifiés et signifiants. On me rétorquera que cela est une lapalissade et… j’en serrais d’ailleurs fort aise. Mais l’évidence du paradoxe de la perception de cette couleur et de toute chose en général ne peut éluder le parcours d’une regarde tout à la fois neutre et instruit des quelques remarques de l’artiste, celles en l’occurrence de Khosro Berahmandi sur ses propres ouvres.

Le noir, les autres couleurs : le vert et le bleu principalement, le trait. Trois états purement descriptifs jalonnent le premier stade de l’attention.

Lorsque nous aurons dit que la ou les surfaces colorées semblent se superposer sur ce que nous appellerons dorénavant le fond noir, nous aurons alors accompli un virage pour rentre de plain-pied dans le champ de la description interprétative.

Au troisième acte de notre parcours, s’ouvrent les portes du discoures rendus possibles par la prise en considération de la pensée créatrice de l’artiste alliée a une constation opérée précédemment, celle de la superposition des surfaces. Khosro dit ainsi des couleurs circonscrites et rayées qu’elles sont l’image du réveil tandis que le noir est celle du sommeil-écran, de la rétine sur laquelle se dessinent les images fournies par les milieux antérieurs transparents. Deux métaphores qui pour lui métaphorisent son travail de peintre confronté non pas au blanc de la page mais au noir du tableau.

Armé de ces propos, l’ouvre est soumis à une sens, a une direction, celle de la poésie de sa propre genèse. Cette superposition de surfaces se lit par conséquent comme un véritable palimpseste : le noir se fait réceptacle taciturne de l’émergence des formes colorées, du jour lumineux de la polychromie : le noir se fait couleur-surface virtuelle, déjà en soi une création mais qu’il s’agit de dépasser parce qu’il est la marque de l’informe, du lapsus de l’inconscient pour arriver enfin a la construction de la forme, le transformant alors en écran de projection, il est or, matière brute et riche du travail de la nature intérieure et hors, accueil du passage et du surgissement des formes colorées et rayées.

Ou il est ainsi montré modestement que le noir est riche de symboles.»

Éric Pagliano, Conservateur du patrimoine au Musée des Beaux-arts d’Orléans.