Montréal 2005 – Pâturage lunatique

Exposition Pâturage lunatique, GESÙ – Centre de créativité, Montréal, octobre 2005

La toile et le peintre

La peinture est un layon boueux qui mène à la profondeur de la poésie et à l’insondable de la musique. Elle est un layon, un chemin à personne. Elle transforme la toile en regard et non pas le regard en toile. Certains peuvent dans l’art, dé-toiler la toile. En bas, il n’y a pas l’air du monde. Là-bas, c’est une certaine vie, c’est une certaine mort. C’est la vie essentielle. Là-bas il n’y a pas de couleur. L’œuvre de Khosro Brehmandi est, solder cet insondable qu’est la peinture, un pays vaste. Un pays pour lequel, certains ont risqué, ce qui, était au-dessus de la musique et de la poésie, à savoir, la folie. Son souci, c’est d’occuper l’espace. Son souci majeur, c’est cet état aste sur ses toiles. Celui de la verticalité. Celui où l’homme et la chose sont sur un aste, tous les deux sont debout sur ses toiles. Aste est le pied de l’espace, les orteils, là où la douleur et la beauté font sens ensemble et non chacune à l’écart. Dans certaines de ses toiles, il cherche la racine de la tête, la racine du signe sans visage sous forme d’un sauvage calme. Un nénuphar blanc flottant sur une main, du vert reversé, de la pousse, de l’existence de ce qui est dit par son inexistence, du visage de l’inconnu, du sauvage, de l’ocre, de toutes les couleurs, du sans relâche, oui, ainsi, je vois les toiles de Khosro.

Bahman Sadighi, Montréal, septembre 2004

L’œuvre

‘Dès que la vision boit l’autre sein de la sagesse, l’ensemble des visages y émerg’

Les Upanisads

Et le déchu qui boit de l’autre sein, le lait froid de la vision, son visage deviendra ardent et gracile. L’œil de son cœur c’est « un enfant avec un miroir entre les mains ». Il fige le dedans de l’homme et le visageoir caché de l’univers. La grâce veut que sa main devienne le jaillissement de traces et de couleurs. Celles de ce que l’homme, en manipulant la nature, expose au renversement et les jette en dehors de la chaîne de la vie…jusqu’à ce qu’elles se jettent à leur tour.

Khosro Brahmandi avec une telle essence, ouvre les yeux sur le trouble du monde. Il est étonnant de constater qu’il n’est devenu ni mélancolique ni errant du désert futile. Au contraire, toujours gentil et cohérent ; il ramasse les dernières couleurs et signes pâles, jetés et fonde avec toutes ces récupérations et avec le grand répit du regard de dernier dinosaure, la pierre de sa cité intérieure, tout comme dans sa demeure que dans son atelier. Et cela dans une époque de la vache folle, de la mortalité des mille millions papillons et d’oiseaux. Sa demeure et son atelier deviennent la cité de la vache colorée, là où l’enfant et l’animal traqué prennent refuge. Les montagnes blessées, s’y reposent. Les vents toxiques, s’y oxygènent et la vie est surveillée. De temps à autre, ou souvent, lorsque je vais chez Khosro, je me vois dans un livre perdu et je me retrouve. Comme si, je feuilletais Arjang ou d’une voix intérieure, comme si j’entendais le dernier chant de Mani écorché. Mon cœur regagne du courage, mon intérieur se réchauffe de joie et d’amitié.

Dans la poétique de ce nom indo-iranien, on voit encore un rayon du sourire de « Gotama », de « Gath » de minuit, de « Spitman » et l’hymne de reconnaissance de Mani, et son existence est une œuvre, bien sûr que les amis s’en réjouissent. Et tous ces dits, c’est le sourire de l’admiration du serpent. Khosro, est le girafe de la conscience humaine.

Hossein Sharang, traduit en français par Bahman Sadighi